Ludmila Constant peintre

Carré Noir

 

 

  En an 1914 ou 1915, on ne sait pas exactement quel jour, le peintre russe Kasimir Malevitch a pris une toile 79,5x79,5 , a peint au milieu un carré noir et couvert l'espace  restant  de la peinture blanche.

  Ce travail pas très compliqué aura pu bien être fait par n'importe quel enfant, si l'enfant pourrait avoir la patience de couvrir les surfaces si importantes d'une seule couleur.

  En réalisant cette opération simple, Malevitch est devenu l'auteur du "Carré Noir", le tableau marquant l'abîme ente l'art ancien et celui d'après-Carré, c'est à dire, l'art contemporain.

Il a été pleinement conscient de l'importance de son oeuvre: en 1915, lors d'une exposition où ses autres tableaux étaient accrochés de façon habituelle, " Carré Noir" occupait la place dans le coin sous le plafond, le coin sacré réservé aux icônes. 

 Malevitch expliquait que ce tableau est "une icône de notre temps".

 L'excellent peintre A.Benoit écrivait à propos de ce tableau:

 "Le carré noir sur le fond blanc- ce n'est pas une simple blague, simple provocation. C'est un de ces actes qui approuvent  l'horreur de destruction, qui se forgent la gloire du fait que par l'arrogance, par le mépris de tout ce qui est la sensibilité, la délicatesse, l'amour, ils amènent la  peinture à sa perte".

  Les critiques d'art, en extase, proclamèrent que "Le Carré Noir ferme le chemin de l'imitation naturaliste",qu'il " est une forme absolue  annonçant l'art de la peinture dont les formes libres représentent le sens du tableau".

  C'est vrai , il ferme le chemin. Mais qu "il annonce l'art"...je ne crois pas. Non. Il a annoncé la fin de l'art, son inutilité, le trou noir où l'art s'écroule et disparaît.

  Je crois, je sais que  un peintre de l'époque avant-carrée apprend son métier toute sa vie, lutte contre la matière chaotique, insensée, en essayant lui donner la vie, nous montrer les choses invisibles à l'œil profane, non-exercé.

 Parfois , pour certains, cela arrive. L'instant de catharsis.

Création d'un chef d'œuvre.

  Le  peintre se considère alors  comme coauteur de cet instant magique, il sait qu'inspiration peut le quitter comme elle est venue. Il devient superstitieux et reconnaissant. A qui? Au hasard? Au Dieu?

Il veut que ça arrive de nouveau, il sait , intuitivement, que l'arrogance, cupidité, méchanceté peuvent en détruire les chances ...

 

  Le peintre post-carré,  lui, qui s'est penché sur le trou noir , a regardé dedans sans horreur, ne croit pas en inspiration, ni en métier. Il croit en calcul:

Les gens aiment le nouveau-on inventera le nouveau.

Les gens aiment être scandalisés-on les scandalisera.

Les gens sont indifférents- on les épatera: on leur mettra sous le nez les choses dégradantes , puantes, moches.

  Si on frappe quelqu'un dans le dos, il se retourne. C'est alors qu'il faut lui cracher dans le visage, et après, se faire payer pour cela, sinon, ce ne sera pas de l'art. Et si l'homme proteste, il faut lui expliquer qu'il est un idiot qui ne comprend pas l'art..

Le sensible, le beau n'a jamais existé.

Ni  la lumière dans le noir, ni le rêve, ni la promesse.

La vie est la mort, tout de suite, ici.

 

Désacralisation de l'art- le mot d'ordre du siècle XXI - est celui des  indulgences que les uns distribuent aux autres, en convainquant les tiers que c'est très bien comme ça, que le prix de l'art est seulement celui de sa demande et de son prix en argent.

 

  L.



12/01/2011
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