Ludmila Constant peintre

Loin du bruyant Amour, qui dans sa variante passionnelle est plus proche de la haine que de l'amitié, l'intime est un stade qui s'atteint, non un état.
Il n'est ni vertu ni qualité, n'a ni détermination ni visée, bref, il n'a pas de but .
Il diffère de la tendresse parce que la liaison n'y est pas celle de sentiment ou d'attachement. Même s'il montre toutes les manifestations de la sensualité , prêtes à déborder, elles ont une autre vocation que l'érotique.
Ce n'est pas, non plus , la sincérité, l'obligation de "tout dire". Il suffit qu'il y ait un Autre qui s'ouvre, et moi disposé à m'engager et me risquer avec lui.
Sous l'abri de l'intime on évolue sans contrainte, sans se confronter, comme dans un élément partagé,on fait tomber nos calculs et raisons, suspendre la rumination de l 'intérêt qui continue pas moins de nous rôder « derrière la tête », même quand on n'y pense plus.
La finalité de l'intime , s'il en avait une, c'est de ressentir l'autre comme une conscience à l'unisson de la nôtre.

  L.

François Jullien

"De l'intime". Extrat

" Ils étaient jusque-là, entre eux dans un rapport somme toute assez banal, fait d'inclination, voir de séduction, mais également de réserve, composant aussi avec le semblant et l'intérêt. Chacun gardait son quant-à -soi , se préservait. Puis, soudain, un jour, mais ce jour est, bien sûr, un résultat, ils font tomber la barrière, ou, plutôt, la barrière est tombée entre eux, eux acceptant progressivement qu'elle soit tombée. Leur appareil de défense de tout-un -chacun s'en trouve aboli. Non seulement le marais du social est franchi, la limite de ce qu'on se doit à soi-même est outre-passée.
On pourrait, après coup, mesurer ce qui par transformation silencieuse et transition a conduit à ce résultat, il en reste pas moins que l'incroyable , l'inouï peut arriver, et par effraction-méditation de l'Autre, un cours différent des choses, au sein de ma vie , peut commencer : ce qui s'appelle « rencontrer ». "