Ludmila Constant peintre

Louis Aragon

 


Je suis comme ces femmes qui aiment les mauvais garçons : j'aime Louis Aragon. 
Ce poète au verbe envoûtant, irrésistible. 
Cet homme qui  toute sa vie a joué avec tout le monde, peut être, avec soi-même aussi. 
Tantôt un veuf flamboyant, tantôt un dandy maquillé et masqué. 
Qui affrontait les femmes par le double jeu de la rouerie et l'ironie, le lyrisme en décore théâtral, le savant dosage de la sincérité et du mensonge. 
Qui a imaginé une coquette torturant par les lettres l'un de ses amants, en lui décrivant ses aventures avec des autres : « Meurs, meurs - me disais-je, meurs, le visage... »

Qui avoait que
« Si l'on voudrait élever une statue à la mobilité des idées, le sculpteur ne trouverait pas de meilleur modèle que moi ». 
….Finalement , peut être, je ne l'aime pas tant que ça …. 
                                     L.

 

Et pourtant :

 

Pourquoi ce jour-ci, pourquoi ce moment leur est-il le dernier.

Quelle est cette fatigue subite et quel est ce renoncement.

Ils n'ont pas voulu, ils n'ont pas pu marcher plus loin disant qu'après tout

Après eux le futur commence.

Et vais-je aussi comme eux m'asseoir tout d'un coup

Voyant devant moi l'immensité de l'étendue.

Désespérant de l'effort si grand pour avancer si peu.

Pourtant donne-moi ta main qu'ensemble

Allons veux-tu bien jusqu'au tournant .

Peut- être après

Le paysage change-t-il et ce serait bien assez

De voir qu'il change.

 

 

 

Inexorablement je porte mon passé

C'est comme si les mots pensés ou prononcés

Exerçaient pour toujours un pouvoir de chantage

*

Il n'aura fallu

Qu'un moment de plus

Pour que la mort vienne

Mais une main nue

Alors est venue

Qui a pris la mienne.

 

*

C'est pire que le désire

Interminablement non-satisfait

Mon amour au delà du plaisir

Mon amour hors de portée

Aujourd'hui de l'attente.

 

*

La vie est un étrange et douloureux divorce

Il n'y a pas d'amour heureux.

 

*

Il est des mots que ne peut suivre

Qu'un silence.

 

*

Il faut du temps pour détisser

Le lien de soi-même et du monde.

 

 

 

Si longtemps j'ai cru transformer en or

Ce que je touchais d'une aile ou parole

Si longtemps j'ai cru que j'avais la force

Que j'avais l'alcool que j'étais la flamme

Et parfois parfois je le crois encore.

*

 

A la fin j'ai vu qu'à la dérobée

Ta main sous tes yeux leur volait des larmes

Et moi que pouvais-je aux larmes tombées

Des gouttes du sang que pensent les armes

 

 

Un jour je partirai pour un sanglot de toi

Un jour comme autre jour je me lèverai de table

Un jour pour un sanglot tout me sera finalement

Insupportable

 

On ne comprendra jamais que j'ai péri d'une goutte d'eau

D'un cheveu. Il s'en serait fallu d'un je veux

Pour une phrase inachevée ah comme pour un mot tû

 

*

 

Tes yeux un instant étrangers

Et moi qui ne puis rien même

Partager ce cœur partager

 

Le temps s'arrête d'y songer

Les mots sont lourds d'être légers

 

C'est si peu dire que je t'aime

 

Comme une étoffe déchirée

On vit ensemble séparés

Dans mes bras tu te tiens absente

Et la blessure de durer

Faut-il si profonde qu'on la sente

Quand le ciel nous est mesuré.

 

C'est si peu dire que je t'aime

 

C'est comme si jamais jamais

Je n'avais dit que je t'aimais

Si je craignais que me surprenne

La nuit sur ma gorge qui met

Ses doigts gantés de souveraine

Quand plus jamais ce n'est le mai

C'est si peu dire que je t'aime.

 

Lorsque les choses plus ne sont

Qu'un souvenir de leur frisson

Un écho des musiques mortes

Demeure la douleur du son

Qui plus s'éteint plus devient forte

C'est peu de mots pour la chanson

C'est si peu dire que je t'aime

Et je n'aurai dit que je t'aime.

 

Aragon

 

 

 

 

 



15/07/2013
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