Ludmila Constant peintre

Philosophie. Souvenirs sentimentaux.


  Dans les lycées russes la philosophie n'est pas enseignée.

Ma première rencontre avec elle date de la première année de la Fac de Physique , à l'Université de Leningrad. 
  Après la première session des examens  dévastatrice prévue pour  réduire le nombre des étudiants à moitié , les gens de la Fac de Philosophie sont venus chercher, parmi les échoués de la Fac de Physique,  des candidats pour leur faculté, pas vraiment populaire. 
  Ils expliquaient que chez eux, c'est beaucoup plus facile: on apprend un peu de tout: des maths, de la physique, de l'économie, de la logique, même de la psychologie , mais en "écumant". Rien que les choses faciles à comprendre. Qu'une fois le jargon du métier assimilé, la vie est simple: on lit des antiques (les contes de fées), et , bien sûr, Marx -Lénine-Staline (l'ennui mortel, mais on peut en survivre). 
  L'emploi est assuré dans le réseau du Parti. 

 Je suis restée avec cette image de la philosophie jusqu'à ma cinquième année universitaire. 

En cinquième année nous, "les physiciens survivants", une quarantaine d'étudiants, ne venions presque plus à la Fac, nous faisions les 8 heures chaque jour dans les instituts de recherche , pris en charge par les petits groupes de chercheurs , pour préparer nos diplômes.

C'était une sorte de stage, beaucoup plus qu'un stage: une éducation -express, une initiation parmi les gens qui ont choisi de vivre la vie des scientifiques. 
  Nous faisions le travail de laborantin-préparateur et recevions, en payement, quelque miettes des vrais résultats de la recherche du groupe, les miettes qui représentaient l'essence de notre thèse de diplôme.    Nous en rédigions deux ou trois petites articles, publiés dans une vraie revue de physique. Nous les signions avec un ou plusieurs membres du groupe.

C'est comme ça que j'aurais bien pu cosigner un article avec J.I. Alferov , membre de mon groupe, devenu Prix Nobel pour ses travaux sur les lasers à semi-conducteurs.  


 Le seul cours général de la cinquième année était celui d'histoire de physique, obligatoire, avec un examen . Donc, il fallait y aller, même si l'on avait l'impression de perdre notre temps précieux. 
 Le cours commençait par " l'Adam et Ève"- les antiques et leur temps. Le temps où la philosophie était La Science, unique , comprenant tout le savoir de l'époque, de la logique jusqu'à la géométrie.
 Sous nos yeux émerveillés se déroulait l'image de cette science, vivante, utile à la société, qui servait d'arme pour les politiques, définissait le mode de vie des nantis, servait à l'agriculture , avait son poids moral et juridique. 
  Je suis restée ébahie d'admiration pour ces philosophes qui, dans leur soif à comprendre le monde, sans aucune possibilité de vérifier leur modèles par l'expérimentation valable, arrivaient à des résultats incroyables uniquement par l'imagination. Comme Socrate, qui commençait l'un de ses discours par cette phrase:

"Je ne sais pas si la Terre est ronde ou plate"... 
  A ce temps là il admettait déjà que la Terre pourrait être ronde.   

 
 * * * 
J'ai essayé à  lire Nietzsche , comme tout le monde, par  frime, mais aussi un peu pour voir ce que la modernité apporte en plus à la philosophie classique. 
Et je n'ai pas compris pourquoi ses livres tiennent de la philosophie. 
J'ai y découvert la description (que je trouve plutôt poétique que philosophique) des états d'esprit générés par un corps malade, des incantations, des slogans. Beaucoup de souffrance, mais aussi du geste, de la pose, je dirais, du cabotinage même. 
Ça était pareil avec Cioran. 

 

 

 Physiciens : seule parmi les mâles :-))

 La philosophie-science des sciences, la reine des sciences?
C'est fini il y a longtemps.
 Le développement de la connaissance a rendu impossible pour un philosophe, non spécialiste dans un domaine concrète, l'accès au domaine respectif.
 Exemple: quelqu'un qui n'a pas manipulé la fonction de Schrödinger, n'est pas capable comprendre pourquoi et comment la physique quantique a pulvérisé la logique causale et déterministe des philosophes classiques. Ce sont les physiciens qui se chargent de l'explication, en vulgarisant le problème.
 La spécialisation dans un domaine, surtout un domaine qui utilise la technologie moderne, demande souvent tout le temps de la vie humaine.
 Aujourd'hui le langage d'un philosophe (son jargon) est inutile pour approcher des branches concrètes de la connaissance, qui ,elles, ont développé leur propre jargon , connu par les initiés seulement.
 Alors, de quoi peut parler un philosophe "pur" moderne, qu'est-ce qui lui reste comme champ d'activité? Quelle sorte de connaissances?
 Peut-être la psychologie. Mais déjà l'imagerie médicale s'attaque à l'explication de nos comportements, nos sentiments.
 l'art, peut-être...
 L.
 

 



10/04/2016
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